Le Dernier Exorcisme (Daniel Stamm, 2010)

Titre original : The Last Exorcism
Réalisateur : Daniel Stamm
Origine : États-Unis
Année de production : 2010
Durée : 1h27
Distributeur : Studio Canal
Interdiction : Interdit aux moins de 16 ans
Interprètes : Patrick Fabian, Ashley Bell, Iris Bahr, Louis Herthum

Cotton Marcus, prédicateur exorciste de son état, reçoit une lettre l’avertissant d’un cas de possession dans un état reculé, où rumeurs et superstitions vont bon train. Il s’agit de Nell Sweetzer, une jeune fille religieuse qui se prétend habitée par un démon. Marcus part donc à sa rencontre avec une équipe de journalistes, dans le cadre d’un documentaire illustrant son quotidien d’exorciste. Ayant perdu toute foi en Dieu, il croit d’abord la jeune fille atteinte de schizophrénie, mais, bien vite, des phénomènes étranges vont venir ébranler son raisonnement… Le Diable existerait-il vraiment ?

En dépit de bandes-annonces toutes plus prometteuses les unes que les autres et d’affiches esthétiquement très réussies, je restais sceptique quant au contenu qualitatif  de ce Dernier Exorcisme réalisé par Daniel Stamm, inconnu au bataillon, et produit par Eli Roth, le nouveau révérend du survival américain. Un curieux tandem, qui laissait présager le meilleur comme le pire. S’agira t-il encore d’un énième sous-produit de L’Exorciste, cultissime monument cinématographique de William Friedkin ? Si tel était le cas, je priais sincèrement pour que ce soit bel et bien le « dernier »… Et pourtant, dès les premières minutes du film, tous mes doutes s’envolèrent comme par magie ! Bien que surfant sur la vague très prolifique du cinéma subjectif en caméra amateur, qui tend à sérieusement se banaliser depuis Le Projet Blair Witch (voir Cloverfield, [Rec], Diary Of The Dead et plus récemment Paranormal Activity), la mise en scène a néanmoins le mérite de présenter un traitement original du thème pourtant usé jusqu’à la corde de la possession.

En effet, le film prend la forme d’un faux-documentaire qui propose au spectateur de suivre les pérégrinations de Cotton Marcus (Patrick Fabian), prédicateur charismatique qui a choisi de pratiquer l’exorcisme pour subvenir aux besoins de sa famille. Ayant totalement perdu la foi, ce dernier considère l’exorcisme comme l’une des pierres angulaires du folklore catholique, et ses méthodes pour repousser le Mal tiennent davantage de la prestidigitation que du rite religieux. Et c’est en cela que le film est innovant, l’exorcisme est avant tout perçu comme une sorte de psychothérapie spécifiquement élaborée pour venir en aide aux personnes superstitieuses, un moyen comme un autre de soulager leur souffrance en répondant à leurs attentes mystiques. Ce processus de démythification de l’exorcisme a l’avantage de conférer davantage de réalisme à la narration tout en semant le trouble quand à la nature du Mal qui semble habiter la jeune Nell Sweetzer, impeccablement interprétée par Ashley Bell, nouvelle recrue talentueuse qui signe ici une entrée fracassante sur grand écran. L’ambiguïté troublante de son personnage ne cesse de faire cogiter le spectateur : est-elle réellement possédée ou tout simplement psychotique?

De la même manière, le jeu des acteurs qui gravitent autour d’elle, notamment les personnages du père et du frère, nous plonge sans ménagement dans un abîme sans fond de mystère et on ne sait plus trop quoi penser quant à leurs intentions à l’égard de la pauvre Nell. Leurs comportements dérangent autant qu’ils intriguent de par leur opacité que le spectateur n’aura de cesse de vouloir percer. Le film multiplie les fausses pistes pour mieux nous perdre et ainsi rendre chacun des personnages susceptibles du pire. L’ambiance générale du film, glauque à souhait, est accentuée par l’archaïsme des mœurs de cette petite contrée reculée dont les habitants vivent encore sous l’influence de superstitions d’un autre temps et vise à renforcer le sentiment de malaise déjà instauré par le biais des tensions existantes entre l’exorciste et la famille Sweetzer.

Les scènes de possession, quant à elles, sont très réussies : elles parviennent à nous effrayer sans pour autant donner dans la surenchère. Ici, point de descente d’escalier la tête à l’envers ni de lévitation ou d’insultes à caractère sexuel ; la manifestation du démon a été envisagée a minima. Et c’est diablement efficace. En outre, la représentation de l’éternel clivage entre mysticisme et rationalisme a le mérite d’avoir être traité avec pudeur et respect, sans parti pris aucun, du moins jusqu’au dénouement final où la balance penche lourdement vers l’un de ces deux côtés. D’ailleurs, le twist final du film reste brillamment amené, même s’il semble largement inspiré de Rosemary’s Baby, ce qui ne l’empêche pas pour autant de soulever des interrogations toujours autant d’actualité concernant le penchant de l’être humain pour l’occulte et les forces obscures.

En définitive, Le Dernier Exorcisme réussit le pari de renouveler le mythe de l’exorcisme de manière atypique tout en usant d’un procédé sans surprise puisque très en vogue (caméra à l’épaule, concept du faux-documentaire, etc.) et apporte ainsi une véritable bouffée d’air frais au spectateur averti avide de sensations fortes et d’un cinéma qui sort des sentiers battus.  Loin d’être une pâle copie de son grand frère L’Exorciste, le film de Daniel Stamm s’impose à ses côtés et non sur ses traces grâce à la qualité de sa mise en scène, esthétiquement très soignée, et de son scénario original et abouti. S’adressant aussi bien aux fans de films d’horreur qu’au spectateur lambda de par son savant mélange de registres, Le Dernier Exorcisme est un film honnête, intelligent et sans prétention qui gagne l’honneur de faire partie des meilleurs films horrifiques de l’année 2010. Courrez l’acheter les yeux fermés, vous en aurez pour votre argent… Parole de profane !